CONGE
Les jours me sont ôtés que vous m'avez promis.
Voici l'été splendide et les sourdes automnes.
Vos groupes aux vergers glisseront, mes amis.
Mon ombre pleurera, exilée.
Oh que sonne.
A mon beffroi brisé la cloche souvenir!
Mes instants lumineux ne doivent pas finir.
Etoiles, rayonnez sur mes aubes sans cesse.
Rappelez au devin que je fus enchanté,
Qu'un chant me fut ravi, qu'un chant me sut hanter,
Qu'il fut riche trésor plus que sourde promesse.
J'ai parcouru le soir où chantaient les grillons.
Les bois et les rumeurs semblaient des sanglots longs
Mais la paix en mon âme exultait. Danse. Ivresse!
30 juin 1961
LES CHANTS ET LES REVES*
Les chants et les rêves s'en vont.
La paix me berce, charme long.
Voici que tu frappes - m'emportes-
Bonheur à ma porte.
Un assoupissement sans heurt
M'emplit de paix et de torpeur.
Passez les soirs, coulez les rêves.
Mes douleurs sont brèves.
Mon beau soleil, page adoré,
Etame ton écu doré.
Mes remords fuient comme des lièvres.
Dormez O mes fièvres.
Des cris d'oiseaux crèvent mes murs.
Il luit dans mon réduit obscur.
Qui règne en mes roses vermeilles?
Un prince. Qui veille?
Oh, qui veille?
1 juillet 1961
BRUNE AUTANT QUE HAUTAINE*
Brune autant que hautaine, hautaine autant que belle,
Torturante à ma fièvre et dédaigneusement
Rafraîchissante à la soif qui me tord et telle
Que cent ans ses désirs étancheraient l'amant,
Lourds cheveux comme nuit, lèvre, aimant qui me hèle,
Beau corps souple et secret, tiède, chaud, sombre aimant,
Gouffre aux cuisses chantant comme un choeur de sirènes,
Plaisir, délire doux qui nous mord et nous ment,
Brune implacablement et sereinement close
Qui la tête tournée et rêvant d'autre chose
Ne fites qu'un moment luire un oeil grave et noir,
Comme un vase sacré renferme les essences,
Mon rêve aurait baisé vos pieds, votre puissance,
Si quelque peu de vie eût bercé mon espoir.
12 juillet 1961
ENTRE CHIEN ET LOUP*
Un soir qui se glissait à la limite des chiens,
Où tout loup devient chien, tout lion potiche de table.
Un soir qui s'attendrissait à la limite des romans
(Formes frêles qui étiez de veille sous les lampes)
Sur le hamac des grands arbres, un rêve d'odalisque vêtue.
Les blancheurs sur les statues étaient chairs entre les troncs
Et les sourires étaient seuls visibles, plaies dans la nuit de vos formes.
Un bassin gardait le feu entre ses margelles.
Une rumeur de ville au lit des arcades éclairées.
Deux pavillons faîtus blémissaient avec la nuit
Entre le fleuve et la cité, île de pelouse et de silence.
25 juin 1965
CLOCHE*
Aux clochers de ravins une cloche d'écume.
Mer qui m'a soulevé, vigie ou matelot,
La hantise des bois monte comme un halo
Qui n'abdique jamais la vigie dans sa hune.
Les festins sont glacés aux plages de la lune.
24 juin 1965
Michel Galiana (c) 1991
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HOLIDAY
You have withheld the days which were promised to me.
Now the bright summer comes and the twilight autumn.
To the orchards, my friends, I'll see how your party
Slip out while my exile shadow must weep alone.
On my wrecked belfry, ring, bell of memory!
Stars, you shall on my dawns shine again and again,
Remind the Divinour that I was put in chains,
That I have been bereft of a chant haunting me
Which was a rich treasure and not a mere promise.
These luminous instants of mine I won't dismiss.
I have searched the evening that chirping crickets hail.
If the woods and rumours are to me a long wail,
My inmost self is dance, rapture, exulting peace!
30th June 1961
SONGS AND DREAMS*
Songs and dreams are drifting away.
Peace grants me beguiling delay.
Until you knock -and you take me-
At my door -felicity.
A drowsiness without hits
Fills me with both torpor and peace;
Go by evenings! Flow dreams and songs!
Heartbreaks never last for long.
My handsome sun, my beloved knight,
Tinplate your shield with your gold bright!
My remorse bolts as would a hare.
Leave me alone, O nightmare!
Shrill shrieks of birds burst through my walls.
Gleam oozes into my dark halls.
Over these red roses holds sway
A prince. Who shall keep watch all day?
Watch all day?
1st July 1961
DARK-HAIRED, HAUGHTY LADY*
Dark-haired, haughty lady, haughty and beautiful
Who kindle my fever and soothe disdainfully
The thirst that's twisting me, though you would be able
To quench for a hundred years anyone thirsty.
Your hair heavy as night, your lip a lure. Secret,
Lithe, beautiful body, lukewarm and dark magnet.
Swaying hips, harmonious as a choir of sirens,
Pleasure, soft lunacy that bites us and cozens.
Implacably dark-haired, you nonchalantly closed
Your averted face and you dreamt of what you chose.
Just for a while a stern gleam passed over your eyes.
It was like a perfume in a holy vessel.
My dream, laying a kiss, at your feet would nestle
If my hope had been raised by a mere breath of life.
12th July 1961
TWILIGHT*
The evening shadows were blurring the distant dogs:
-A wolf could be a dog, a lion a knickknack-
Inducing one to cheap sentimentality
(With those frail shapes crowding under the lamp of old!)
The trees: a berth for dressed odalisques to rest on
The white spots on statues: flesh between the dark trunks
And their smiles: visible wounds in this twilight world.
A pond was still aglow with light within its rims.
Hum of town at the bedside of the lit arcades.
Two high-roofed bungalows grew pale as night grew brown,
Between river and town, islets of quiet lawns.
25th June 1965
BELL*
A bell of foam tolls from steeples in the valley.
Sea that hove me away, -look-out or sailor here?-
Like a halo rises the forest's haunting fear
Of which the top mast watch never may grow weary.
The feasts for the moon plain revellers are icy.
24th June 1965
Transl. Christian Souchon 01.01.2025 (c) (r) All rights reserved
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